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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/126

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J’écoute votre voix, c’est une voix humaine :
J’étais né pour l’entendre, et je ne sais pourquoi
Ceux qui m’ont fait du mal ont tant d’attrait pour moi.
Jamais je ne connus cette rare parole
Qu’on appelle amitié, qui, dit-on, vous console ;
Et les chants maternels qui charment vos berceaux
N’ont jamais résonné sous mes tristes arceaux ;
Et pourtant, lorsqu’un mot m’arriva moins sévère,
Il ne fut pas perdu pour mon cœur solitaire.
Mais, puisque vous m’aimez, ô vieillard inconnu,
Pourquoi jusqu’à ce jour n’êtes-vous pas venu ?

LE PRÊTRE.

Ô, qui que vous soyez ! vous que tant de mystère,
Avant le temps prescrit, sépara de la terre,
Vous n’aurez plus de fers dans l’asile des morts :
Si vous avez failli, rappelez les remords,
Versez-les dans le sein du Dieu qui vous écoute ;
Ma main du repentir vous montrera la route.
Entrevoyez le Ciel par vos maux acheté :
Je suis prêtre, et vous porte ici la liberté.
De la confession j’accomplis l’œuvre sainte ;
Le tribunal divin siège dans cette enceinte.
Répondez, le pardon déjà vous est offert ;
Dieu même…

LE MOURANT.

                           Il est un Dieu ? J’ai pourtant bien souffert !