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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/53

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Je revis une fois l’ineffable contrée,
Des peuples lumineux la patrie azurée,
Et n’eus pas un regret d’avoir quitté ces lieux
Où la crainte toujours siège parmi les Dieux.
Toi seule m’apparus comme une jeune étoile
Qui de la vaste nuit perce à l’écart le voile ;
Toi seule me parus ce qu’on cherche toujours,
Ce que l’homme poursuit dans l’ombre de ses jours,
Le dieu qui du bonheur connaît seul le mystère,
Et la Reine qu’attend mon trône solitaire.
Enfin, par ta présence, habile à me charmer,
Il me fut révélé que je pouvais aimer.

« Soit que tes yeux, voilés d’une ombre de tristesse,
Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse,
Soit que ton origine, aussi douce que toi,
T’ait fait une patrie un peu plus près de moi,
Je ne sais, mais depuis l’heure qui te vit naître,
Dans tout être créé j’ai cru te reconnaître ;
J’ai trois fois en pleurant passé dans l’Univers ;
Je te cherchais partout : dans un souffle des airs,
Dans un rayon tombé du disque de la lune,
Dans l’étoile qui fuit le ciel qui l’importune,
Dans l’arc-en-ciel, passage aux Anges familier,
Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier ;