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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/116

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sion contre la première se défendre de la seconde en lui enlevant les moyens de nuire[1]. Mais il y a une condition absolument indispensable pour que la lutte spirituelle soit possible : c’est que l’Église elle-même soit en possession de la liberté ecclésiastique, qu’elle ne se trouve pas assujettie à l’État. Qui a les mains liées ne peut se défendre par ses propres moyens, force lui est de s’abandonner au secours d’autrui. Une Église d’État complètement assujettie au pouvoir séculier et n’existant que par ses bonnes grâces a abdiqué sa puissance spirituelle et ne peut être défendue avec quelque succès que par les armes matérielles[2].

Dans les siècles passés, l’Église catholique romaine (qui a toujours eu en partage la liberté ecclésiastique et qui n’a jamais été une Église d’État) tout en luttant contre ses ennemis par les

  1. Nous admettons cette distinction en principe (in abstracto), mais nous sommes bien loin de la recommander comme règle pratique.
  2. Cela est avoué avec beaucoup de naïveté par nos écrivains ecclésiastiques eux-mêmes. Par exemple, dans une série d’articles de la Revue orthodoxe (Pravoslavnoïé Obozrénié) concernant la lutte du clergé russe contre les dissidents, l’auteur (M. Tchistiakov), après avoir exposé les exploits de l’évêque Pitirime (de Nijni-Novgorod), dont le zèle était invariablement soutenu par les troupes du vice-gouverneur Rjevski, arrive à la conclusion que le missionnaire célèbre est redevable de tout son succès à ce secours du pouvoir séculier et au droit d’amener par force les dissidents à écouter sa prédication. (Prav. Obozr., octobre 1887, p. 348). On peut trouver de semblables aveux au sujet des missions contemporaines parmi les païens de la Sibérie Orientale (dans la même Revue année 1882).