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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/136

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jalouse des Grecs envers les Russes, à laquelle ces derniers répondent par une hostilité mêlée de mépris, — voilà le fait dominant qui détermine les rapports réels de ces deux Églises nationales qui demeurent officiellement en communion religieuse. Mais cette unité officielle elle-même ne tient qu’à un fil et toute la prudence sacerdotale de Saint-Pétersbourg et de Constantinople n’est pas de trop pour éviter de laisser se rompre ce lien si fragile. Ce n’est certes pas par charité chrétienne qu’on veut maintenir ce simulacre d’unité. Mais on craint une révélation fatale : le jour de la rupture formelle entre l’Église russe et l’Église grecque, tout le monde verra que l’Église Orientale œcuménique n’est qu’une fiction, qu’il n’existe que des Églises nationales isolées en Orient. Voilà le vrai motif qui impose à notre hiérarchie une conduite prudente et modérée envers les Grecs, laquelle consiste à éviter toute espèce de rapports avec eux[1]. Quant à l’Église de Constantinople qui, dans son orgueil particulariste s’appelle « la Grande Église » et « l’Église œcuménique », elle serait satisfaite peut-être de se débarrasser des barbares du Nord qui ne sont qu’un obstacle à ses tendances panhelléniques. Dans ces derniers temps, le pa-

  1. C’est aussi la seule raison pratique pour laquelle, en dépit du soleil et des astres, nous tenons toujours au calendrier Julien : on ne saurait le changer sans entrer en pourparlers avec les Grecs, et c’est ce qu’on craint le plus dans nos sphères cléricales.