Aller au contenu

Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme il y aura toujours des malades, — cela prouve-t-il l’inutilité des mesures sanitaires ? La pauvreté en elle-même n’est pas un mal, ni la maladie non plus : le mal, c’est de rester indifférent aux souffrances de son prochain. Et il ne s’agit pas seulement des pauvres : les riches, eux aussi, ont droit à notre compassion. Ces pauvres riches ! On fait tout pour développer leur bosse, et puis on les invite à passer dans le Royaume de Dieu par l’orifice imperceptible de la charité individuelle. Du reste on sait qu’une exégèse bien informée a cru que « l’orifice de l’aiguille, » n’était autre chose que la traduction littérale du nom hébreu donné à l’une des portes de Jérusalem (Negéb-ha-khammath ou Khour-hakhammath) dont le passage était difficile aux chameaux. Ce ne serait donc pas l’infiniment petit d’une philanthropie individualiste, ce serait plutôt la voie étroite et laborieuse, mais tout de même praticable, de la réforme sociale que l’évangile proposerait aux riches.

On voudrait borner l’action sociale du christianisme à la charité ; on voudrait priver la morale chrétienne de toute sanction légale, de tout caractère obligatoire. C’est une application moderne de l’ancienne antinomie gnostique (le système de Marcion en particulier) maintes fois anathématisée par l’Église. Que tous les rapports entre les hommes soient déterminés par la charité et par l’amour