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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/365

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sentant le passé, et la tradition commune ; — les origines de l’Hellade historique sont marquées au contraire par la domination de la partie active de la société, des guerriers, des hommes de la force qui s’affirme, qui veut se manifester, qui cherche des exploits. Si la supériorité de cet élément social a été au commencement éminemment favorable au progrès de toutes les activités humaines, la cristallisation de la classe militaire dans des cités où des États ne manqua pas de devenir par la suite un péril et un obstacle au libre mouvement de l’esprit national et en détermina le caractère révolutionnaire. Une société fixée dans un seul corps purement politique dégénère nécessairement en un état despotique, quelle que soit d’ailleurs la forme de son gouvernement. Les hommes de l’actualité, les hommes pratiques qui gouvernent les États absolus (républiques ou monarchies) ne croient pas au passé et craignent l’avenir. Du reste, tout en manquant de vraie piété et de vraie foi, ils admettent comme inoffensifs ou même utiles les représentants de la tradition religieuse, à condition que ceux-ci demeurent inactifs ; ils donnent une place d’honneur à un sacerdoce officiel, d’un côté, pour dominer la foule aveuglé et, d’un autre côté, pour servir de complément décoratif à l’édifice de l’État tout-puissant. Mais ils ont une haine implacable pour tout mouvement religieux libre et spontané, pour tout ce qui ouvre à l’âme humaine des horizons nouveaux,