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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/394

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et Dieu à la fois, prêtre et roi, souverain des cieux et de la terre ? Cette justice égoïste, ce divorce anti-chrétien des deux mondes est naturel et logique tant qu’on s’arrête à la dualité indéterminée et abstraite du spirituel et du séculier, du sacré et du profane, en oubliant le troisième terme, la synthèse absolue de l’Infini et du fini, éternellement accomplie en Dieu et s’accomplissant dans l’humanité par le Christ. C’est l’esprit même du christianisme qu’on oublie — l’accord harmonique du tout, l’union nécessaire et libre, unique et multiple, — avenir véritable qui satisfait le présent et ressuscite le passé.

L’Église et l’État, le pontife et le prince, actuellement séparés et hostiles, ne peuvent trouver leur unité véritable et définitive que dans cet avenir prophétique dont ils sont eux-mêmes les prémisses et les conditions déterminantes. Pour être solidaires, deux pouvoirs différents doivent avoir un seul but qu’ils ne peuvent atteindre que d’un commun accord, chacun selon son propre caractère et ses propres moyens. Or le but commun de l’Église et de l’État, du sacerdoce et de la royauté, n’est vraiment représenté ni par l’un ni par l’autre de ces deux pouvoirs pris en soi ou dans leur élément spécifique. À ce point de vue, chacun des deux a son but particulier qui ne regarde pas l’autre. S’il s’agit pour l’Église de perpétuer la tradition religieuse, elle peut bien le faire à elle seule sans aucun