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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/56

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permet pas de la juger définitivement d’après ses différents états passés et actuels. Mais le byzantinisme, qui a été en principe hostile au progrès chrétien, qui a voulu réduire toute la religion à un fait accompli, à une formule dogmatique et à une cérémonie liturgique — cet antichristianisme caché sous un masque orthodoxe a dû succomber dans son impuissance morale devant l’antichristianisme franc et honnête de l’Islam. Il est curieux de constater que la nouvelle religion, avec son dogme fataliste, est apparue juste au moment où l’empereur Héraclius inventait l’hérésie monothélite, c’est-à-dire la négation masquée de la liberté et de l’énergie humaines. On voulait par cet artifice consolider la religion officielle, ramener à l’unité l’Égypte et l’Asie. Mais l’Égypte et l’Asie préférèrent l’affirmation arabe à l’expédient byzantin. Si l’on ne tenait pas compte du long travail antichrétien du Bas-Empire, il n’y aurait rien de plus surprenant que la facilité et la rapidité de la conquête musulmane. Cinq années suffirent pour réduire à une existence archéologique trois grands patriarcats de l’Église orientale. Il n’y avait pas là de conversions à faire, il n’y avait qu’un vieux voile à déchirer.

L’histoire a jugé et condamné le Bas-Empire. Non seulement il n’a pas su remplir sa mission — fonder l’État chrétien — mais il s’est appliqué à faire avorter l’œuvre