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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/125

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Sérieusement, madame, j’aime mieux le temps où j’étais si paisible dans votre palais, et où il n’y avait dans vos États d’autres troupes que les vôtres. Votre Altesse sérénissime permettra-t-elle que je prenne la liberté de lui adresser ma réponse à Mme la comtesse de Bassevitz[1] ? Je ne sais où la prendre, et j’ignore à quelle armée appartient actuellement son château. Dieu veuille renvoyer bientôt à la culture de la terre tant de gens qui la désolent et qui l’ensanglantent sans savoir pourquoi ! On dit que si nous avions la paix, j’aurais le bonheur de voir à Genève les princes vos fils. Ce serait pour moi la plus grande des consolations dans la douleur où je suis de sentir que je suis privé, probablement pour jamais, de la présence de leur adorable mère. Cette paix me paraît encore bien éloignée. Le feu a pris aux deux bouts de l’Europe. On bat le tambour depuis Gibraltar jusqu’à Archangel : cela prouve que les hommes sont fous du midi au nord. Que votre auguste famille soit tranquille au milieu de tant d’orages ! que la grande maîtresse des cœurs se souvienne du pauvre malade ! que Votre Altesse sérénissime reçoive avec sa bonté ordinaire mon profond respect, etc.


4905. — À M. JEAN SCHOUVALOW.
Aux Délices, près Genève, 21 mai.

Monsieur, j’ai reçu la lettre dont vous m’honorez du 17 mars (v. s.). Je suppose que toutes celles que je vous ai écrites vous sont parvenues. J’ai été à la mort depuis que je n’ai eu l’honneur de vous écrire, et j’ai perdu une partie de ma fortune par le contre-coup de nos malheurs publics ; mais j’oublie cette dernière disgrâce, et dès que j’aurai un peu réparé l’autre en reprenant un peu de santé, je me remettrai avec courage et avec plaisir à l’Histoire de Pierre le Grand.

J’avoue, monsieur, que je serais bien encouragé si je pouvais en effet me flatter d’avoir l’honneur de vous voir et de vous posséder dans mes petites retraites. Il est digne de vous d’imiter Pierre le Grand, en voyageant comme lui. Vous devez bien sentir que vous seriez accueilli partout comme vous devez l’être ; votre voyage serait un triomphe continuel ; et on respecterait encore plus votre patrie quand on verrait un homme de votre mérite, orné des plus belles connaissances, et fait pour réussir

  1. On n’a pas cette lettre.