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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/292

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divin ange, de distributions de rôles ; je ne m’en souviens plus : tous mes papiers sont entassés aux Délices, que M. le duc de Villars occupe ; mais voici mon blanc-seing tragique que vous ferez remplir comme il vous plaira, et que vous appuierez de votre protection.

Nous ne faisons pas comme vous ; nous allons rejouer le Droit du Seigneur. Je vous avertis que je joue le bailli, et le grand prêtre dans Sémiramis, et que je suis fort claqué.

Pour Olympie, vous l’aurez quand vous voudrez : mon ouvrage de six jours est devenu un ouvrage d’un an. Cette maudite opiniâtreté de vouloir faire évanouir Statira sur le théâtre m’avait écarté de la bonne voie. J’y ai mis tous mes soins et mon petit savoir-faire.

Je ne me console point de ce que Zulime n’a point dit : J’en suis indigne[1] ; mais ce qui fait ma vraie tribulation, c’est que M. le duc de Choiseul m’a cru l’auteur de cette belle rapsodie anglaise[2], c’est qu’il me l’a écrit, avec bonté, il est vrai ; mais cette bonté est affreuse. J’en ai été outré, et je lui ai dit bien des injures qu’il mérite[3]. Il faut absolument que M. le comte de Choiseul le gronde.

Il est vrai que M. le duc de Richelieu se porte fort bien, et qu’il en a donné de belles preuves ; mais, de moi, ce n’est pas de même : de vingt-quatre heures j’en souffre dix-liuit, je griffonne les six autres, et je vous aime tous les moments de ma vie.


5086. — À M. LE COMTE DE CHOISEUL[4].
Ferney, 10 novembre.

Monseigneur, comme tout ce que je pourrais avoir l’honneur de vous dire se trouve dans la lettre ci-jointe, qu’il ne faut pas plus multiplier les importunités que les êtres sans nécessité, et qu’à grand seigneur peu de paroles, daignez permettre que je vous supplie de lire ma lettre à mes anges.

M. et Mme d’Argental m’apprennent que vous avez bien voulu vous intéresser au rétablissement d’un ancien officier d’artillerie[5], qui a grande envie de tirer sur les Russes, Anglais, Hano-

  1. Cette suppression avait causé la fièvre à Voltaire ; voyez lettre 4812.
  2. Voyez lettre 4872.
  3. On n’a pas cette lettre d’injures.
  4. Voyez la note, tome XXXVII, page 479.
  5. Marchand de La Houlière ; voyez lettres 4857 et 4878.