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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/69

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ACTE TROISIÈME

Et lorsqu’hélas, j’ai dû trahir mon roi
Tu fus mon généreux complice. —
Tout à moi ! rien qu’à moi ! —
Mon martyre fait ton supplice ! —
Pourtant ton pauvre cœur
Ne peut souffrir ce que je souffre,
Si tu pouvais sonder le gouffre
De mon amour, de ma douleur ;
Si tu savais mon angoisse cruelle,
Déjà tu serais sur la tour,
Épiant la nef que j’appelle,
Interrogeant les vagues, tour à tour,
Pour voir apparaître la voile
Qui, sous le souffle de l’amour,
Fait palpiter joyeusement sa toile
Et s’envole vers le port,
Portant mon Yseult à son bord. —
Le voilà, le voilà, lestement il s’approche,
Le voilà, le voilà le navire attendu ;
Le vaisseau ! le vaisseau ! mes yeux l’ont reconnu…
Il évite la roche ;

Avec violence.

Kourwenal ! réponds, le vois-tu ?

Kourwenal hésite à quitter Tristan qui le regarde avec une impatience muette : le berger reprend sa mélodie langoureuse.

KOURWENAL,
avec abattement.

Pas un vaisseau n’arrive !

Tandis qu’il écoute la mélodie du pâtre, Tristan s’apaise peu à peu, puis il reprend sur un ton de tristesse qui s’assombrit de plus en plus.

TRISTAN.

Ai-je compris ton sens, ô musique naïve,
Ô douce et triste voix ? —