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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/70

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ACTE TROISIÈME

Un soir d’été, c’est ainsi, qu’autrefois,
Ton chant plaintif m’apprit le trépas de mon père ;
C’est toi qui m’as encore appris
Qu’hélas, j’avais perdu ma mère ;
Enfin, le jour fatal, le jour où je naquis,
Sur mon berceau, dans l’ombre vacillante,
Planait déjà ta voix dolente.
Tu demandais pour quel destin,
Quittant la nuit profonde,
Tristan venait au monde. —
Pour quel destin ? — Le vieux refrain
Me le dit à cette heure :
Pour que j’aime et je meure ! —
Non, il me dit, — ô cruauté du sort, —
Aime ! aime !
Jusque dans le trépas lui-même
Et que l’amour triomphe de la mort !

Le berger reprend encore sa mélodie plaintive.

Ô musique immortelle,
Sanglote ! pleure ! invoque celle
Qui peut me donner le repos ! —
Pâle et défait, dans la nacelle
Je dérivais au gré des flots ;
Ton souffle harmonieux, ô vieille ronde
Enfla la voile vagabonde
Et la dirigea vers le port. —
Yseult ferma la plaie ouverte ;
Le fer qui me devait donner la mort
Je le vis flamboyer et retomber inerte. —
Mais, quoi ! le breuvage fatal,
Qui pour jamais devait guérir mon mal,
Il me condamne, — ô torture effroyable, —
À traîner malgré moi, mon destin lamentable.
Ô philtre ! ô philtre ! ô maudite liqueur,
Tu verses ton poison dans le sang de mon cœur !