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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/102

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n’ait pas été, ni qu’il vieillisse de dix ans en un jour, ni qu’il vieillisse d’un jour en dix ans, ni… Aucun miracle ne peut rien contre le temps. La foi qui transporte les montagnes est impuissante contre le temps.

Dieu nous a abandonnés dans le temps.

Dieu et l’humanité sont comme un amant et une amante qui ont fait erreur sur le lieu du rendez-vous. Chacun est là avant l’heure, mais chacun dans un endroit différent, et ils attendent, attendent, attendent. L’amant est debout, immobile, cloué sur place pour la perpétuité des temps. L’amante est distraite et impatiente. Malheur à elle si elle en a assez et s’en va ! Car les deux points où ils se trouvent sont le même point dans la quatrième dimension…

La crucifixion du Christ est l’image de cette fixité de Dieu.

Dieu est l’attention sans distraction.

Il faut imiter l’attente et l’humilité de Dieu.

« Soyez saints parce que je suis saint. » Imitation de Dieu. Sans doute emprunt de Moïse à la sagesse égyptienne.

C’est dans le temps que nous avons notre moi.

L’acceptation du temps et de tout ce qu’il peut apporter — sans aucune exception — (amor fati) — c’est la seule disposition de l’âme qui soit inconditionnée par rapport au temps. Elle enferme l’infini. Quoi qu’il arrive…

Dieu a donné à ses créatures finies ce pouvoir de se transporter dans l’infini.

La mathématique en est l’image.

Si le contenu agréable ou douloureux de chaque minute (même celles où nous péchons) est regardé comme une caresse spéciale de Dieu, en quoi le temps nous sépare-t-il du Ciel ?

L’abandon où Dieu nous laisse, c’est sa manière à lui de nous caresser.

Le temps, qui est notre unique misère, est le contact même de sa main. C’est l’abdication par laquelle il nous fait exister.

Il reste loin de nous, parce que s’Il s’approchait Il