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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/121

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Quel est le mécanisme de cet attachement ?

Qu’est-ce qui contraint à désirer manger quand on a faim, boire quand on a soif, avoir un répit quand on a mal à une partie du corps, recevoir des égards quand on est humilié, se distraire quand on s’ennuie, changer d’attitude quand on est resté longtemps dans la même, dormir quand on a sommeil, s’arrêter quand on est épuisé de fatigue, voir un être chéri, lui serrer la main, lui parler, l’entendre, avoir l’usage de ses membres et des organes des sens ?

Tant qu’on désire toutes ces choses frivoles, le centre de l’âme n’est pas dans le bien.

Comment, pourquoi les désire-t-on sans pouvoir s’en défendre ? De quelle manière supprimer ces désirs ?

Il s’agit, non de se rendre insensible aux douleurs et aux joies — ce serait plus facile — mais en laissant intacte toute la susceptibilité de l’âme aux douleurs et aux joies, ne pas désirer éviter les unes et obtenir les autres.

Quand le sentiment de la nécessité s’empare très fortement de l’âme, souvent il tue le désir, même les désirs les plus naturels.

Là donc est le secret. Couper tous les désirs avec l’obéissance comme avec une épée.


Vide

Ceux qui ont fait du mal à tel homme sont loin, hors de sa portée ; ceux qui sont à sa portée lui ont fait du bien ; il ne doit rien leur faire payer, il leur doit des égards, des sourires, et n’y parvient qu’au prix d’un effort dont on ne se doute pas, car cette attitude de sa part paraît naturelle.

Si un homme a besoin d’un violent effort pour avoir le comportement qu’on attend de lui comme naturel — vide, amertume sans fond.

Vide, quand rien d’extérieur ne répond à une tension intérieure.

Exemple de vide : supplice de camp de concentration, consistant à déplacer une pierre de B en A, puis de A en