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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/164

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La sainteté seule fait sortir du temps.

Nous vivons ici-bas dans un mélange de temps et d’éternité. L’enfer serait du temps pur.


Or, chez les Indiens Hopi, « seed of the sun ».

Transmutation des métaux en or, figure pour la transmutation de la matière en lumière.


Dans ce mélange de temps et d’éternité, la joie correspond à un accroissement du facteur éternité ; la douleur à une prédominance du facteur temps. Pourquoi donc le passage par la douleur rend-il plus sensible à la beauté ?


Nous avons ici-bas à choisir entre le temps et l’éternité. En un sens ce choix correspond au choix entre joie et douleur. Et pourtant non visiblement. Comment cela ?


Nous n’avons pas besoin de croyance en la vie éternelle — car la seule preuve d’une telle vie, ce sont les pressentiments d’éternité que nous avons ici-bas. Et ces pressentiments se suffisent. Certes ils supposent la plénitude de la vie éternelle. Mais non pas nécessairement pour nous.

La joie nous cloue à l’éternité et la douleur au temps. Mais désir et crainte nous enchaînent au temps et le détachement brise les chaînes.

La poursuite de la joie nous attache au temps. La joie est notre évasion hors du temps.

La douleur nous cloue au temps, mais l’acceptation de la douleur nous transporte au bout du temps, dans l’éternité. Nous épuisons la longueur indéfinie du temps, nous la franchissons.

Nouvelle naissance. Au lieu que la semence serve à engendrer un autre être, elle sert à engendrer une seconde fois le même être. Retour sur soi, circuit bouclé, cercle.

Le mouvement circulaire est aussi le symbole de l’éloignement apparent qui est rapprochement.