Aller au contenu

Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De même le Crétois « je suis un menteur ». Au moment où il pense, il n’est pas un menteur. Ce sophisme est très profond.

Tout le bien et tout le mal qu’on pense de soi-même est faux au moment où on le pense. C’est pourquoi il ne faut penser que du mal de soi-même. Et il ne faut pas savoir que c’est faux.


Les noirs de certaines tribus ont chacun un fétiche personnel ; au reste ils croient en Dieu. Si l’un s’avisait de dire que son fétiche est Dieu même, il s’ensuivrait qu’il doit régner sur tout l’univers. C’est ainsi qu’Israël a donné à son fétiche national — non représenté par une image, mais qu’importe — le nom de Dieu.

C’est là le sens de la prohibition des images par Moïse. Pour qu’Israël continuât à croire que sa petite idole nationale était Dieu même, créateur de l’univers. On ne l’aurait pas cru si la petite idole avait été une statue. Moïse a voulu cela pour la grandeur temporelle d’Israël.

Au contraire le Christ fait de Dieu son unique idole. Cela peut sembler revenir au même, mais ce sont deux mouvements contraires, faire de son idole Dieu, ou faire de Dieu son idole. De même que faire de son désir la loi ou faire de la loi son désir sont deux manières contraires de concevoir la royauté.

Les Arabes aspirant aussi à la domination temporelle au nom de la religion ont conservé la prohibition des images.

Les images sont une garantie contre une certaine espèce d’idolâtrie. On ne peut pas se mettre devant un morceau de bois sculpté et lui dire : « Tu as fait le ciel et la terre. » Au contraire les Hébreux, exaltés par la présence de leur propre âme collective, pouvaient très bien lui adresser ce discours, car n’étant pas un objet matériel il n’était pas évident qu’elle était une créature.

Rome a voulu supprimer toute pensée de Dieu et ne permettre aux hommes d’adorer que la puissance de l’État, Mais les hommes ne peuvent pas entièrement oublier Dieu.

Les Hébreux ont nommé leur propre âme collective