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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/182

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Dieu, feignant et se persuadant qu’elle avait créé et gouvernait le ciel et la terre. Ce n’était pas facile à croire toujours… Il semble pourtant que cela aurait dû leur donner davantage de force. Quant aux autres peuples, ils ne pouvaient leur persuader cela qu’après les avoir conquis.

Les peuples étrangers ne voulaient frayer avec eux qu’en les obligeant à pratiquer l’idolâtrie, parce que cette prétention d’avoir Dieu pour fétiche national et d’en avoir l’exclusivité impliquait des visées impérialistes effrayantes.

Cela ne pouvait guère réussir chez un peuple encore faible, très peu militaire, qui avait été brisé par l’esclavage. Cela a beaucoup mieux réussi chez les musulmans.

Cette prétention stérile pour les Hébreux aurait servi excellemment les Romains une fois l’Empire établi. Les Romains ont voulu adopter la religion juive. Seulement une religion nationale ne peut pas passer d’un peuple à un autre comme un vêtement. C’est pourquoi les Romains ont pris la forme non nationale de la religion juive, la forme chrétienne. La religion juive, avec comme addendum le transfert du privilège d’Israël aux Gentils baptisés, voilà qui convenait parfaitement comme religion de l’Empire romain. L’Ancien Testament, plus les passages de saint Paul sur le transfert de l’Alliance, et « allez enseigner les nations ».

Voilà pourquoi on a conservé l’Ancien Testament.

Malheureusement pour Rome, elle s’y est prise un peu tard. Elle était déjà croulante sous Constantin. Les préjugés, le conservatisme ont retardé l’opération jusqu’à un moment où elle ne pouvait plus sauver l’Empire.

La « Cité de Dieu » de saint Augustin marque un nouveau transfert. L’Empire a succédé à Israël, l’Église succède à l’Empire.

Si quiconque meurt hors de l’Église est damné, le pouvoir de l’Église peut être bien plus totalitaire que celui de l’Empire.

Mais l’Église n’a pas réussi parce qu’elle n’a pas osé assumer ouvertement et directement la royauté tempo-