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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/187

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spirituelle plus aiguë que la douleur physique qui en est l’occasion. On peut faire le même usage de la faim, de la fatigue, de la peur, de tout ce qui contraint impérieusement la partie sensible de l’âme à crier : Je n’en peux plus ! Que cela finisse ! Quelque chose doit répondre : Je consens, soit à ce que cela finisse seulement par là mort, soit à ce que cela ne finisse même pas avec la mort, mais dure perpétuellement. C’est alors que l’âme est divisée comme par un glaive à deux tranchants.

Il vaut mieux faire cet usage des souffrances que le sort inflige que de s’administrer la discipline.

Les souffrances qu’on pourrait éviter sont assimilables aux premières si une obligation très claire oblige de les éviter. Une obligation de justice envers les hommes. Par exemple un homme contraint de rester un jour sans manger faute d’argent n’est pas moins contraint du fait qu’une possibilité d’escroquerie s’offre à lui. Car pour un homme honnête une escroquerie n’est jamais possible.

Mais étant donnée la situation générale et permanente de l’humanité dans ce monde, peut-être bien que manger à sa faim est toujours une escroquerie.

(J’en ai commis beaucoup.)

Il ne faut pas regarder la privation comme un exercice de perfectionnement spirituel, ou une offrande à Dieu, ou la condition d’actes de bienfaisance volontaire, mais comme une obligation sociale stricte, c’est-à-dire l’équivalent d’une nécessité. Et la seule part que doit y prendre la partie supérieure de l’âme, c’est, quand la sensibilité n’en peut plus et crie : « J’en ai assez », de répondre : « Je consens à ce que cela dure perpétuellement. »

Ce point de l’âme n’a pas d’autre fonction à l’égard de cette vie terrestre que d’en regarder chaque instant fugitif, et quel qu’en soit le contenu, dire : « Je consens à ce que cela cesse immédiatement et je consens à ce que cela dure perpétuellement. »

Toute l’âme terrestre crie « j’en ai assez » quand toutes ses ressources d’énergie supplémentaire sont épui-