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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/188

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sées, quand l’énergie végétative, qui sert à l’entretien même de la vie, est mise à nu et commence à être dépensée. Cela est intolérable. La volonté qui permet de résister a alors disparu. La chair vive est entamée et dévorée. (Prométhée, comme le Christ, est mangé.) Il est impossible alors que l’âme charnelle ne crie pas tout entière : « Assez ! » À qui adresse-t-elle cet ordre ou cette supplication ? Elle ne sait pas, mais elle ne peut pas s’empêcher de crier. Alors, si la partie éternelle de l’âme répond, parlant au vrai Dieu : « Toujours, si tu veux », l’âme est coupée en deux. Ce qu’on sent comme étant le moi est dans la partie qui crie : « Assez ! », et pourtant on prend le parti de l’autre interlocuteur. C’est vraiment sortir de soi.

Une partie de notre énergie est au niveau du temps. C’est l’énergie animale. Elle permet de se dire : « Cela ne durera plus qu’une heure. » Elle permet à la pensée de traverser des espaces finis de temps. C’est l’énergie supplémentaire, celle qui nourrit le désir, celle qui alimente la volonté.

L’énergie végétative qui fait fonctionner les mécanismes chimico-biologiques indispensables à la vie est au-dessous du temps. Quand l’autre énergie est épuisée et que celle-là doit être dépensée pour autre chose que pour les fonctions biologiques auxquelles elle est destinée, alors un quart d’heure est comme une durée perpétuelle. C’est alors que le cri : Assez ! envahit l’âme, et que l’âme est divisée en deux si tout en elle ne s’associe pas à ce cri. C’est quand la sève même s’écoule et que l’homme encore vivant devient du bois mort.

Un quart d’heure de cela est réellement équivalent à une durée perpétuelle d’efforts volontaires, de sorte qu’après ce quart d’heure la partie de l’âme qui a refusé de crier « assez ! » a traversé la longueur indéfinie du temps et a passé de l’autre côté du temps, dans l’éternité.

Cela n’arrive qu’à qui a pris racine dans l’amour.

Femmes mythologiques transformées en arbres.

Un arbre ne se meut que vers le haut. Symbole de l’état de contemplation pure.

La condition est que l’énergie supplémentaire ait été