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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/190

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valeur, qu’en échange des dépenses d’énergie on ne reçoive jamais un bien. Qu’il y ait ou échec ou succès méprisé aussitôt qu’obtenu.

Si on estime les biens d’ici-bas, on puise en eux de quoi renouveler l’énergie dépensée à les poursuivre.

Si on désire des choses terrestres (car on ne sait pas encore du tout ce que c’est que le ciel), mais impossibles, l’énergie se dépense sans se renouveler.

Si on est capable d’être satisfait par quelque chose de possible, fût-ce l’empire du monde, on ne dépensera pas la portion emportée de la maison paternelle.

Quand l’énergie volontaire est épuisée, le désir devenu impuissant se dirige vers les mêmes objets terrestres qui étaient auparavant l’objectif de la volonté (et peu importe s’ils ont des étiquettes célestes). L’âme crie vers les choses qu’elle désire comme un enfant qui ne sait pas encore marcher. C’est la première étape du retour à l’enfance. Mais personne ne l’entend. Elle crie et crie dans l’indifférence générale. Quand le pouvoir même de crier est épuisé, elle regarde.

Alors peut-être elle se souvient qu’il y a un autre bien auquel les choses inanimées elles-mêmes ont une part abondante.

Comment ce souvenir entre-t-il dans une âme charnelle ?

À ce moment où l’énergie volontaire est épuisée, où l’énergie végétative est à nu, l’âme choisit entre l’enfer ou le paradis. Et elle ne sait pas qu’elle choisit.

Peut-être recommence-t-elle seulement un choix fait dès la constitution du monde.

Ceux qui meurent sans avoir jamais épuisé l’énergie volontaire meurent sans avoir fait ce choix — quelle que soit au reste la vie qu’ils ont menée, vertueuse ou criminelle. Quel est leur sort une fois morts, c’est un mystère.

En est-il bien ainsi ?

Si au moment où ils sont en danger imminent d’avoir épuisé l’énergie volontaire ils décident de la placer à intérêt au lieu de continuer à la dépenser — on peut dire aussi qu’ils ont mal choisi.