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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/234

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sermon, comme la Croix du Christ est plus que ses paraboles.

Demander un morceau de pain aussi est beaucoup.

La charité qu’il faut faire à un pauvre affamé est de lui donner un morceau de pain. La charité qu’il faut faire à un riche repu est de lui demander un morceau de pain.

Le mieux est d’être un mendiant affamé, et de mendier, et de donner une partie de ce qu’on reçoit.

Saint François aurait dû peut-être constituer un ordre secret, et sans autre vœu que celui du secret.

Il est trop facile de se parler de ces choses sans les faire.

On ne peut pas sortir de soi par la volonté. Plus on veut, plus on est en soi. On ne peut que désirer, supplier.


Nous sommes par rapport à la direction verticale, dans le sens du haut, ce qu’est, par rapport à la direction horizontale, un enfant qui ne sait pas encore marcher.

Le comprendre, c’est cela qui est redevenir humble comme un enfant.

Au sommet d’une montagne, on est plus près du ciel que dans la plaine. Mais on n’est pas plus près de voler. On en est exactement aussi loin.

C’est pourquoi l’orgueil est une erreur.

Quand on vole, si on vole vraiment, on est sorti de soi, et il n’y a plus d’orgueil.

Le bien commence au delà de la volonté, comme la vérité commence au delà de l’intelligence.

Au delà de la volonté, donc au delà de la loi.

La vraie loi est une loi non écrite, comme Sophocle le savait. Car la lettre tue. Donc Moïse ne venait pas de la part de Dieu.

Israël était cette société de brigands dont parle Platon, qui à l’intérieur essaie d’établir la justice.

Rome, avec son droit romain, était du même genre.

Le mal a beau être contraire au bien, il est contraint d’en enfermer l’image. Car tout témoigne pour le bien.