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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/306

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jours. Certains jours je ne le ferai pas, je succomberai. Le lendemain je recommencerai avec une volonté renouvelée. Puis je succomberai encore. Et ainsi de suite.

L’important, c’est que si l’on persévère sans orgueil et malgré les défaillances, la volonté s’use peu à peu et finit par disparaître. Quand elle a disparu, on est au delà de la volonté, dans l’obéissance.

On peut laisser atrophier la volonté et l’intelligence discursive faute d’exercice. On est alors en deçà. Tamas. Ou on peut les exercer de manière à les développer. Orgueil. Raja. Ou on peut les exercer de manière à les user. Sattva. Une fois qu’elles sont tout à fait anéanties, on est au delà des gunas.

Néanmoins, si l’obéissance l’exige, on opèrera par elle les effets que d’autres hommes opèrent par la volonté et l’intelligence discursive.


On n’aime pas le malheur parce qu’il contraint à voir ce qu’on aime quand on s’aime soi-même. Il est contre nature d’aimer un malheureux. Le malheur y contraint. Quand on est dans le malheur, il faut aimer un malheureux ou cesser de s’aimer soi-même.

La compassion véritable est un équivalent volontaire, consenti du malheur.

La pitié naturelle consiste à secourir un malheureux ou afin de mieux réussir à ne plus penser à lui, ou afin de mieux jouir de la distance entre soi et lui. C’est une forme de cruauté qui n’est contraire À la cruauté proprement dite que par les effets extérieurs. Ainsi, sans doute, la clémence de César.

La compassion consiste à faire attention au malheureux et à se transporter en lui par la pensée. Dès lors, s’il a faim, on le nourrit automatiquement, comme on se nourrit soi-même quand on a faim. Ce pain qu’on lui donne est simplement l’effet et le signe de la compassion. C’est alors qu’on a les remerciements du Christ.

C’est que, de même que le don du pain est simplement l’effet et le signe de la compassion, de même la compassion est l’effet et le signe de l’union d’amour avec Dieu. Car la vue d’un malheureux met en fuite toute atten-