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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/86

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Seuls l’amour pour Dieu et l’amour anonyme pour le prochain sont inconditionnés.

On peut y ajouter l’amour (l’amitié) entre deux amis de Dieu parvenus sur la route de la sainteté au delà de ce point où la sainteté est quelque chose de définitif. Car la seule condition de cette amitié, c’est la persévérance dans la sainteté chez l’un et l’autre ; mais comme leur établissement dans la sainteté est une chose définitive et dont la continuation n’est subordonnée à aucune condition, on peut regarder cette amitié comme inconditionnée.

Mais un tel degré de sainteté est très rare, et par suite aussi une telle amitié,

C’est cette amitié que le Christ a ajoutée comme un troisième commandement, c’est-à-dire comme un troisième amour parfaitement saint, aux deux amours de Dieu et du prochain.

Tous les autres amours sont conditionnés, malgré les serments, et s’épuisent peu à peu quand les conditions manquent.

[Quant à l’amour conjugal, si les deux époux sont des saints, c’est l’amitié entre saints — si un seul l’est seulement, l’amour anonyme du prochain, appliqué par lui à l’autre, est le seul facteur stable de leurs relations. — Si aucun des deux ne l’est, les conditions manquant, l’amour conjugal s’épuise et disparaît, malgré le sacrement.]

La haine n’est jamais inconditionnée.

Tous les événements de la vie, quels qu’ils soient, sans Exception, sont des marques d’amour de Dieu par convention, de la même manière que le pain de l’Eucharistie est chair du Christ.

Mais une convention avec Dieu est plus réelle qu’aucune réalité.

Dieu établit avec ses amis un langage conventionnel. Chaque événement de la vie est un mot de ce langage. Ces mots sont tous synonymes, mais, comme il arrive dans les beaux langages, chacun avec sa nuance tout à fait spécifique, chacun intraduisible. Le sens commun à tous ces mots, c’est : je t’aime.