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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/96

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répit au milieu d’une torture physique. En même temps toute chose paraîtra sans importance, y compris la possession de Dieu, devant la certitude qu’Il se possède éternellement et parfaitement lui-même.

Tout le désir que la nature a mis dans l’âme humaine et attaché à la nourriture, à la boisson, au repos, au bien-être physique, aux plaisirs des yeux et des oreilles, aux êtres humains, doit être enlevé à ces choses et dirigé exclusivement sur l’obéissance à Dieu.

Les choses d’ici-bas sont légitimement objets de plaisir et de douleur, mais non pas de désir ou de répulsion.

Et l’obéissance à Dieu, unique objet de tout le désir de l’âme, est un objet inconnaissable. J’ignore ce que Dieu me commandera demain.

De plus je sais que si je refuse de lui obéir, ou si ma faiblesse m’en rend incapable, je lui obéis quand même, car rien ne se produit ici-bas qu’Il ne le veuille.

Ce désir est donc certain de son accomplissement. Il est déjà accompli. C’est une faim qui est déjà rassasiée, qui le sera toujours, et qui cependant crie perpétuellement dans l’âme comme si elle ne pouvait jamais l’être.

C’est un cri à vide, un appel éternellement sans réponse.

Cet appel, c’est lui qui est la louange de la gloire de Dieu. Nos cris d’angoisse Le louent.

Le Christ sur la croix et disant « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est là la louange parfaite de la gloire de Dieu.

Crier ainsi pendant notre bref et interminable, interminable et bref séjour ici-bas, puis disparaître dans le néant — c’est assez ; que demander davantage ? Si Dieu accorde davantage, c’est son affaire ; nous le saurons plus tard. J’aime mieux supposer que même dans le meilleur des cas Il n’accorde que cela. Car cela est la plénitude de la satisfaction — si seulement, depuis maintenant jusqu’à l’instant de la mort, il pouvait n’y avoir pas d’autre parole en mon âme que ce cri ininterrompu dans le silence éternel.