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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/147

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tice doit être nu et mort. La croix seule n’est pas susceptible d’une imitation imaginaire.

Il faut un homme juste à imiter pour que l’imitation de Dieu ne soit pas un simple mot, mais il faut, pour que nous soyons portés au delà de la volonté, que nous ne puissions pas vouloir l’imiter. On ne peut pas vouloir la croix.

On pourrait vouloir n’importe quel degré d’ascétisme ou d’héroïsme, mais non pas la croix qui est souffrance pénale.

Ceux qui ne conçoivent la crucifixion que sous l’aspect de l’offrande en effacent le mystère salutaire et l’amertume salutaire. Souhaiter le martyre est beaucoup trop peu. La croix est infiniment plus que le martyre.

La souffrance la plus purement amère, la souffrance pénale, comme garantie d’authenticité.

Croix. L’arbre du péché fut un vrai arbre, l’arbre de vie fut une poutre. Quelque chose qui ne donne pas de fruits, mais seulement le mouvement vertical. « Il faut que le fils de l’homme soit élevé, et il vous attirera à lui. » On peut tuer en soi l’énergie vitale en conservant seulement le mouvement vertical. Les feuilles et les fruits sont du gaspillage d’énergie si on veut seulement monter.

Ève et Adam ont voulu chercher la divinité dans l’énergie vitale. Un arbre, un fruit. Mais elle nous est préparée sur du bois mort géométriquement équarri où pend un cadavre. Le secret de notre