Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou de poésie, ou de la solution d’un problème ? L’attention est tout autre chose ?

L’orgueil est un tel raidissement. Il y a manque de grâce (au double sens du mot) chez l’orgueilleux. C’est l’effet d’une erreur.

L’attention, à son plus haut degré, est la même chose que la prière. Elle suppose la foi et l’amour.

L’attention absolument sans mélange est prière.

Si on tourne l’intelligence vers le bien, il est impossible que peu à peu toute l’âme n’y soit pas attirée malgré elle.

L’attention extrême est ce qui constitue dans l’homme la faculté créatrice, et il n’y a d’attention extrême que religieuse. La quantité de génie créateur d’une époque est rigoureusement proportionnelle à la quantité d’attention extrême, donc de religion authentique à cette époque.

Mauvaise manière de chercher. Attention attachée à un problème. Encore un phénomène d’horreur du vide. On ne veut pas avoir perdu son effort. Acharnement à la chasse. Il ne faut pas vouloir trouver : comme dans le cas d’un dévouement excessif, on devient dépendant de l’objet de l’effort. On a besoin d’une récompense extérieure que parfois le hasard fournit et qu’on est prêt à recevoir au prix d’une déformation de la vérité.