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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/106

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sien, mais un contact légitime, qui ne soit pas attachement.

En somme, après avoir arraché l’âme au corps, après avoir traversé la mort pour aller à Dieu, le saint doit en quelque sorte s’incarner dans son propre corps afin de répandre sur ce monde, sur cette vie terrestre, le reflet de la lumière surnaturelle. Afin de faire de cette vie terrestre et de ce monde une réalité, car jusque-là ce ne sont que des songes. Il lui incombe d’achever ainsi la création. Le parfait imitateur de Dieu d’abord se désincarne, puis s’incarne.


À présent en quoi consiste pour celui qui vient de sortir de la caverne la contemplation qui accoutume l’âme à la lumière ? Il est évident qu’il y a plusieurs routes. Platon en indique une, dans la République. C’est une route intellectuelle.

Pour le passage des ténèbres à la contemplation du soleil, il faut des intermédiaires, des μεταξύ. Les différentes routes se distinguent par l’intermédiaire choisi. Dans la route décrite dans la République, l’intermédiaire est le rapport.

Le rôle de l’intermédiaire est d’une part d’être situé à mi-chemin entre l’ignorance et la pleine sagesse, entre le devenir temporel et la plénitude de l’être (« entre » à la manière d’une moyenne proportionnelle, car il s’agit de l’assimilation de l’âme à Dieu). De plus il faut qu’il tire l’âme vers l’être, qu’il appelle la pensée.

Dans la voie intellectuelle, ce qui appelle la pensée, c’est ce qui présente des contradictions. Autrement dit c’est le rapport. Car partout où il y a apparence de contradiction, il y a corrélation des contraires, c’est-à-dire rapport. Toutes les fois qu’une contra diction s’impose à l’intelligence, elle est contrainte de concevoir un rapport qui transforme la contra diction en corrélation, et par suite l’âme est tirée vers le haut.

Exemple : le Théétète. Les osselets (4, 6 et 12)[1].

  1. Théétète, 154 c.