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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/108

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La Grèce a eu une mystique où la contemplation mystique s’appuyait sur les relations mathématiques. Très singulier. (Cf. Proclus sur Platon et Philolaos.)


Contemplation de l’ordre du monde à priori.


Il semble clair que le chemin qui va des sciences mathématiques à Dieu regardé comme le bien, ce chemin doit passer par la notion d’ordre du monde (non pas en tant que chose constatée par observation empirique), de beauté du monde. C’est effectivement à cette notion que se rapportent les indications qu’on peut recueillir ailleurs.

Ces indications sont :

1o Un texte d’Anaximandre[1]. « C’est à partir de la matière indéterminée que se produit la naissance pour les choses, et la destruction s’opère par un retour à cette matière indéterminée, en vertu de la nécessité ; car les choses subissent un châtiment et une expiation les unes de la part des autres, à cause de leurs injustices, selon l’ordre du temps. »

Texte insondable.

2o Un passage mystérieux du Gorgias[2] de Platon.

« … Il ne faut pas permettre aux désirs d’être insolents et essayer de les combler ; c’est là un mal inextinguible et on mène une vie de voleur. On ne peut pas de cette manière être ami ni d’un autre homme ni de Dieu ; car on ne peut ainsi former aucune association (κοινωνία) ; et là où il n’y a pas d’association, il n’y a pas d’amitié. Les sages affirment, Calliclès, que ce qui tient ensemble le ciel et la terre, les dieux et les hommes, c’est l’association et l’amitié et l’ordre (κοσμιότητα) et la tempérance et la justice ; et pour cette raison ils ont nommé ce tout un ordre, mon ami, non pas un désordre ou une intempérance. [L’idée d’association et d’amitié entre Dieu et l’homme est dans Platon.] À ce qu’il me semble, tu n’appliques pas ton attention à tout cela, quoique tu sois savant. Tu ne vois pas que l’égalité géométrique a

  1. Diels, 5e éd., I, p. 89.
  2. 507 e-508 a.