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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/111

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que cette notion d’ordre du monde est très voisine des livres sapientiaux (mais bien plus précise) ;

que les mots ἀριθμός, nombre, et λόγος, rapport, sont employés indifféremment l’un pour l’autre dans la tradition pythagoricienne. Δόγος veut dire parole, mais bien plus encore rapport. L’un dans Platon est Dieu, l’indéfini est la matière. Dès lors la parole : « le nombre constitue la médiation entre l’un et l’indéfini[1] » a de singulières résonances.

De même : les saisons et tout ce qu’il y a de beau a été fait par le mélange de l’illimité et du limité — c’est-à-dire par le principe ordonnateur. (Tout ce qu’il y a de beau, i.e. toutes choses en tant qu’elles sont belles. Car l’univers est beau — cf. Timée.)

Δόγος chez les Grecs est essentiellement le mélange de la limite et de l’illimité. Eudoxe.

Enfin, ne pas oublier que Prométhée, dont il est ici question, est un dieu qui a pris la foudre à Zeus pour donner le feu aux hommes, par amour pour les hommes, et qui à cause de cela a été crucifié. (Ce passage montre que le feu de Prométhée n’était pas le feu matériel.)

Voir ce qu’est la foudre dans l’Hymne de Cléanthe. Saint Luc, xii, 49 : Je suis venu jeter (βαλεῖν) un feu sur la terre, et qu’est-ce que je veux de plus, si déjà l’incendie a pris ? Actes des apôtres : langues de feu. Saint Matthieu, paroles de Saint Jean-Baptiste : lui vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu. Cf. aussi analogie entre : à double tranchant[2], et : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

Le dialogue où la notion d’ordre du monde apparaît avec le plus d’éclat, et se trouve personnifiée dans une divinité qui est nommée l’âme du monde, est le Timée.


Mais avant de passer au Timée, il faut s’attarder sur la notion de beauté et d’amour, l’autre voie de salut qui est indiquée par Platon, la voie non-intellectuelle,

  1. Philèbe, 16 d-e.
  2. Hymne de Cléanthe.