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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/121

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Les sciences enferment une beauté sensible. Etc.

Il n’y a pas d’amour réel auquel la partie de l’âme qui est la plus étroitement attachée au corps n’ait pas une part, et le bien ne peut parvenir jusqu’à elle que sous la forme du beau.

Irritation, démangeaison des gencives. Image admirable. Ici encore, part irréductible de souffrance. La comparaison est admirable parce que cette germination et cette douleur de germination se produisent sans qu’on s’en rende compte et sans qu’on y ait aucune part directe. La volonté ne peut qu’une chose : regarder l’être beau et ne pas se jeter sur lui. Le reste se fait malgré elle. À ce point de vue cette image-ci est meilleure que celle du mythe de la caverne.

Cette démangeaison des ailes, en l’absence de l’être aimé, est une douleur violente.


« Les conduits par lesquels pousse la chose ailée étant desséchés se ferment et empêchent la germination de l’aile. Ce qui est au dedans, plein de désir et enfermé, a des battements comme ceux du pouls dans l’inflammation d’une plaie, et pique ces conduits comme d’un aiguillon. Ainsi toute l’âme de partout est percée (κεντουμένη) comme par un taon et torturée. Et en même temps, ayant le souvenir du beau, elle est en joie[1]. »


[Quand elle voit le beau, la partie où poussent les ailes est arrosée,] « elle a un répit parmi les aiguillonnements et les tortures et goûte pendant un temps la plus douce des voluptés[2]. »


Cela aussi peut être transposé. Cf. Saint Jean de la Croix sur l’alternance des périodes de nuit obscure et de grâce sensible.

L’âme retrouve un souvenir du dieu qu’elle suivait là-haut et dont elle voit l’image dans l’être aimé. Ce souvenir est d’abord très imparfait.


  1. Phèdre, 251 d.
  2. Phèdre, 251 e.