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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/96

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Platon, en donnant à Dieu le nom de bien, exprime aussi fortement qu’on peut le faire que Dieu est pour l’homme ce vers quoi va l’amour.


« Le bien est ce que cherche toute âme, ce pourquoi elle agit, pressentant qu’il est quelque chose, mais ignorant ce qu’il est[1]. »


Cf. Saint Augustin. Dieu est un bien qui n’est autre chose que bien. C’est du Platon.

Deux idées :

1o Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’autre rapport de l’homme à Dieu que l’amour. Ce qui n’est pas amour n’est pas rapport avec Dieu.

2o L’objet qui convient à l’amour, c’est Dieu, et tout homme qui aime autre chose que Dieu se trompe, fait erreur, comme si on courait vers un inconnu dans la rue parce qu’on l’a pris pour un ami.

Ensuite c’est seulement en tant que l’âme s’oriente vers ce qu’il faut aimer, c’est-à-dire en tant qu’elle aime Dieu, qu’elle est apte à savoir et à connaître. Il est impossible à l’homme d’exercer pleinement son intelligence sans la charité, parce qu’il n’y a pas d’autre source de lumière que Dieu. Ainsi la faculté d’amour surnaturel est au-dessus de l’intelligence et en est la condition. L’amour de Dieu est l’unique source de toutes les certitudes. (La philosophie de Platon n’est pas autre chose qu’un acte d’amour envers Dieu.)

Cet être (réalité) qui procède du bien, ce n’est pas le monde matériel, car celui-ci n’est pas être, mais mélange perpétuel de devenir et d’anéantissement, il est changement. L’être qui procède du bien, ce ne sont pas non plus les conceptions que notre intelligence a la capacité de manier et de définir. Car, plus loin, Platon compare les plus précises de ces notions à des ombres, à des reflets et des images dans l’eau.

Cet être est transcendant par rapport à la nature et à l’intelligence humaine. La lumière qui l’éclaire n’est pas non plus de la même nature que l’intelli-

  1. République, VI, 505 e.