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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/103

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l’étendue, possède cette sagesse que j’ai cru n’atteindre qu’après toutes ces préparations ? Il n’en est pas ainsi. En un éclair, l’esprit qui s’arrache à ce qu’il sent se retranche en soi-même et agit ; le pilote qui dans la tempête dirige le timon, le paysan qui balance sa faux, se sait soi-même et sait le monde de la manière qu’exprime la parole : « Je pense, donc je suis » avec son cortège d’idées. Les travailleurs savent tout ; mais, hors du travail, ils ne savent pas qu’ils ont possédé toute la sagesse. Aussi, hors de l’action efficace, dans les moments où le corps, dans lequel les perceptions passées se sont inscrites, dispensent le corps d’explorer, la pensée humaine se trouve-t-elle livrée aux passions, à l’imagination qui fait surgir les dieux, aux discours d’apparence plus ou moins raisonnable qui sont reçus d’autrui. C’est pourquoi l’homme a besoin de la science, pourvu qu’au lieu d’imposer ses preuves elle soit enseignée de la manière que Descartes nommait analytique, c’est-à-dire de sorte que chaque écolier suivant le même ordre que s’il inventait lui-même méthodiquement, puisse être dit moins recevoir l’instruction que s’instruire lui-même. La science ainsi conçue, en réduisant à un système de machines le ciel, la terre, toutes choses, et l’imagination même sous le nom de corps humain, ajoutera pour chacun une connaissance, une seule, à la connaissance que renferme le travail percevant, à savoir que celle-ci contient tout et qu’il n’y a rien d’autre.