Aller au contenu

Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passe à une échelle plus petite, imaginant ainsi comme un double vase clos auquel nous ne croyons pas nous-même, car nous savons que la notion même de déterminisme implique l’impossibilité de découper quelque chose dans la nature. Notamment nous savons très bien que le fait même d’observer et de mesurer modifie la chose observée et mesurée. Nous convenons de considérer ces modifications comme « négligeables » (mot qui n’a théoriquement aucune signification), mais il était clair d’avance qu’à mesure qu’on descendrait dans l’échelle des grandeurs, on s’approcherait d’une limite où on ne pourrait plus les « négliger ». Il est déjà bien beau de pouvoir mesurer mathématiquement l’imperfection de nos mesures. On peut imaginer à une échelle encore beaucoup plus petite que l’échelle atomique d’autres corpuscules dont nous ne connaîtrons sans doute jamais ni les positions ni les vitesses ; et à l’intérieur de ceux-là…, etc. Le déterminisme n’a jamais été pour la science qu’une hypothèse directrice, et il le restera toujours. De Broglie introduit la probabilité dans sa description des phénomènes, mais cela n’implique nullement que nous devions substituer la probabilité à la nécessité dans notre conception des phénomènes ; au contraire, nous ne pensons la probabilité que lorsqu’il se pose devant nous un problème dont nous pensons que la solution est strictement déterminée par les données, mais dont nous ignorons certaines données.

Depuis longtemps (car on parle de ces choses depuis des années), je cherche en vain ce que les « relations d’incertitude » de de Broglie peuvent avoir de révolutionnaire pour notre conception générale de la science. Pour leur attribuer ce