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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/146

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géométrique, l’autre empirique. Le mouvement et plus généralement le changement apparaissait aux Grecs comme un déséquilibre ; ainsi, aux yeux d’Archimède, le signe de l’équilibre est l’immobilité. D’autre part, un système de corps étant symétrique autour d’un axe, il est évident que l’ensemble des corps situés d’un côté de l’axe ne peut exercer aucune action sur l’ensemble des corps situés de l’autre côté, et une telle symétrie constitue la définition géométrique de l’équilibre. Le postulat est que, pour les systèmes considérés, les deux définitions coïncident, et qu’au cas où il y aurait repos sans symétrie il est toujours possible néanmoins de découvrir une symétrie cachée, par une suite de démonstrations rigoureusement mathématiques. Tout cela, bien que non explicitement énoncé par Archimède, est impliqué clairement par ses postulats, ses hypothèses et ses théorèmes. D’autre part la notion d’équilibre domine toutes les formes d’art authentique, et on peut en dire autant de la proportion, cette notion centrale de la géométrie grecque ; quant aux mouvements uniformes et circulaires d’Eudoxe, ils font songer à la danse ; aussi bien y a-t-il une page splendide de l’Épinomis sur la danse des astres, danse qu’un écrivain grec compara plus tard à celles dont on entourait celui qu’on voulait préparer à l’initiation d’Éleusis. De même que la science classique est essentiellement parente de la technique, de même la science grecque, quoique aussi rigoureuse ou plutôt davantage, quoique non moins appliquée à saisir partout des nécessités, est essentiellement parente de l’art et surtout de l’art grec.

La science classique prend comme modèle de la représentation du monde le rapport entre un désir quelconque et les conditions auxquelles il peut être