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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/181

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cartes, se sert aussi parfois des astres ; entre un système défini de possibles et la divination, il y a une parenté naturelle. Il y a aussi une parenté naturelle entre de tels systèmes et la science. Les astres, les jeux tels que billes, billard, dés, les instruments communs de mesure comme la balance, les outils et machines simples, toutes ces choses ont toujours été par excellence les objets de la méditation des savants. Mais plus les astres conviennent à la science, plus ils sont mystérieux, car cette convenance est un don, un mystère, une grâce. Les Grecs, qui leur attribuaient des mouvements circulaires et uniformes, n’expliquaient ces mouvements que par la perfection des astres et leur caractère divin. L’astronomie classique n’a pas fourni d’explication plus positive, car l’attraction à distance dont parle Newton ne répond nullement à ce que demande la pensée humaine dans la recherche des causes ; comment concevoir que l’espace qui sépare deux astres, lieu sans doute comme tout espace d’événements infiniment variés, ne détermine jamais de changement dans le rapport qui les unit ? Et, malgré la perfection de nos télescopes et les recherches raffinées de la spectroscopie, nous n’en savons pas plus aujourd’hui ; nous ne pouvons pas en savoir plus ; la convenance des astres avec le besoin de l’imagination humaine est un mystère irréductible. Les jeux et les outils semblent d’abord moins mystérieux, puisqu’ils sont fabriqués par l’homme. Mais que nous puissions fabriquer de tels objets, les manier d’après la supposition qu’ils sont, sauf accidents, immuables, les manier en pensant à leur place des sphères, des cercles, des plans, des points, des droites, des angles, et les manier ainsi efficacement, c’est une grâce aussi extraordinaire que l’existence des astres. C’est une seule et même grâce, et, chose