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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/197

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consisté à ramener tous les phénomènes sans exception à des changements dans les rapports d’espace et de temps, à n’admettre comme facteurs variables que les distances, les vitesses et les accélérations ; l’espace et le temps ne peuvent pas se représenter autrement que comme des grandeurs continues ; et l’énergie est précisément la notion au moyen de laquelle on ramène tout à l’espace et au temps. Si je suis à deux kilomètres d’un lieu, et qu’après avoir marché je ne me trouve plus qu’à un kilomètre, quelque chemin que j’aie pris, quelques détours que j’aie pu faire, j’ai passé par toutes les distances intermédiaires entre deux kilomètres et un kilomètre, sans aucune exception. On peut mettre en doute cette proposition, comme n’importe quelle autre, mais il est impossible de se représenter la proposition contraire. Or la science concerne les phénomènes, et par suite, contrairement à la pensée métaphysique ou mystique, se trouve au niveau de la représentation, ou immédiatement au-dessus ; une explication scientifique qui n’est aucunement représentable est vide de signification.

On peut se convaincre en ouvrant n’importe quel manuel que la notion d’énergie dérive de la notion de travail et s’y ramène, et que le travail se définit par l’élévation d’un certain poids à une certaine hauteur. Dire qu’il y a différence d’énergie entre tel et tel état d’un système, c’est dire qu’on peut se représenter une transformation où d’une part le système passerait de l’un à l’autre état, et où en contrepartie tel poids monterait ou descendrait de telle hauteur.

Dès la première étude des phénomènes mécaniques, on y trouva un invariant défini par le produit conventionnel d’une force et d’une distance. Archimède a fondé la mécanique en démontrant qu’une