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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/201

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grand nombre de fois, on ne reformera pas un vers de Valéry. Le physicien Boltzmann, contemporain de Planck, avait interprété ainsi les phénomènes irréversibles tels que la transformation de l’énergie mécanique en énergie calorifique dans le frottement. Planck tenta de reconstruire au moyen de probabilités, et d’une manière conforme aux données de l’expérience, le phénomène dit du rayonnement noir. C’est dans les formules de ces probabilités qu’il trouva de la discontinuité ; il introduisit la discontinuité dans l’énergie parce que ces probabilités sont fonctions de l’énergie.

On ne peut s’empêcher de se demander s’il n’aurait pas pu faire autrement. L’expérience ne le contraignait certainement pas ; car, comme les mesures n’étaient pas microscopiques, elles ne pouvaient fournir des seuils, mais seulement des points de repère entre lesquels il fallait interpoler. On est toujours libre d’interpoler au moyen de fonctions soit discontinues, soit continues. Il semble donc que Planck aurait pu trouver des fonctions autres à vrai dire que celles qui sont exigées par la mécanique classique, puisque celles-ci étaient en désaccord avec l’expérience, mais continues. On est tenté de se demander si ce n’est pas la nature même du calcul des probabilités, lequel a pour point de départ le jeu de dés, et par suite des relations numériques, qui a amené Planck à introduire des nombres entiers dans ses formules. Ce serait certes une origine bien étrange pour une si grande révolution. En tout cas il introduisit la discontinuité dans l’énergie, à l’égard du cas particulier du rayonnement noir, pour une commodité de calcul. Son innovation eut une fortune prodigieuse, puisqu’on a admis par la suite que ses formules sont valables pour tous les échanges d’énergie qui ont lieu parmi les atomes et les radia-