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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/205

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Voici quelques extraits de ces pages : « Contrairement à ce que l’on soutient volontiers dans certains milieux de physiciens, il n’est pas exact que l’on puisse n’utiliser pour l’élaboration d’une hypothèse que des notions dont le sens puisse être défini par des mesures, indépendamment de toute théorie… Il n’y a absolument aucune grandeur qui puisse être mesurée directement. Une mesure ne reçoit au contraire son sens physique qu’en vertu d’une interprétation qui est le fait de la théorie… Même dans le cas des mesures les plus directes et les plus exactes, par exemple celles du poids ou de l’intensité d’un courant, les résultats ne peuvent être utilisables qu’après avoir subi nombre de corrections dont le calcul est déduit d’une hypothèse. »

Les formules suivantes sont plus révélatrices encore : « Le créateur d’une hypothèse dispose de possibilités pratiquement illimitées, il est aussi peu lié par le fonctionnement des organes de ses sens qu’il ne l’est par celui des instruments dont il se sert… On peut même dire qu’il se crée une géométrie à sa fantaisie. Avec des instruments d’une exactitude idéale… il peut en pensée exécuter les mesures les plus délicates et tirer de leurs résultats les conclusions les plus générales ; ces conclusions n’ont, au moins directement, rien à voir avec des mesures véritables. C’est pourquoi aussi jamais des mesures ne pourront confirmer ni infirmer directement une hypothèse ; elles pourront seulement en faire ressortir la convenance plus ou moins grande. »

Mais voici le plus beau : « Les grandes idées scientifiques n’ont pas coutume de conquérir le monde du fait que leurs adversaires finissent par les adopter peu à peu et qu’ils finissent par se convaincre de leur vérité… Ce qui arrive le plus souvent, c’est