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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/280

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non pas au mouvement de rotation de la terre ; et pourquoi pas à ce mouvement aussi, sinon parce que nous conservons à l’égard des étoiles fixes qui nous partagent nos journées la même piété que les Grecs ? Un mouvement uniforme, cela a toujours signifié, cela signifie encore aujourd’hui, un mouvement qui a un rapport constant avec celui des étoiles fixes. Il ne peut en être autrement. Les choses autour de nous ne se meuvent guère que poussées ; les animaux, qui font exception, nous semblent se mouvoir par des caprices ou des besoins semblables aux nôtres ; le vent, qui dans son mouvement irrégulier, souvent soudain et violent, paraît toujours poussant et non poussé, auquel l’Iliade compare sans cesse l’élan de la victoire, ne nous est connu que par les choses qu’il pousse. Les astres ne poussent pas, ne sont pas poussés, ne sont pas arrêtés, ne se heurtent à rien ; à nos yeux ils paraissent procéder sans impulsion ni résistance ; en les voyant lentement s’incliner autour du pôle, comment ne pas penser à leur occasion un mouvement sans impulsion ni résistance, et par suite un mouvement uniforme ? Mais la conception grecque du mouvement circulaire et uniforme comme mouvement parfait, soustrait aux actions extérieures, ne permettait absolument pas de définir les mouvements qui se produisent sur terre, autour de nous.

Pour définir ces mouvements, Galilée eut la hardiesse d’inventer un point de départ en négligeant un fait d’expérience universel, à savoir qu’excepté les astres toutes les choses en mouvement finissent à un moment quelconque par s’arrêter. L’habitude nous fait croire aujourd’hui que le principe d’inertie est évident, et l’on s’étonne parfois naïvement que l’Antiquité et le Moyen Âge ne l’aient pas reconnu ; mais loin d’être une évidence, c’est