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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/291

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dans sa plus grande généralité, rapport qui répond au caractère limité de la pensée humaine. Le tout considéré, quel qu’il soit, est toujours limité à certains égards, même s’il contient une infinité, et quel que soit l’ordre de cette infinité. Quoique embrassé comme tout d’un seul acte de la pensée, is doit être parcouru dans le temps, ce qui implique une division en parties, discrètes ou continues.

La division de l’univers en domaines est pour une part donnée à l’homme, d’une manière en un sens immédiate, et avec des coupures irréductibles. Ainsi la division entre l’intérieur et l’extérieur, les pensées et les choses sensibles. Parmi les choses sensibles les cinq sens fournissent des divisions irréductibles. La distinction entre hommes, choses vivantes, choses inertes en fournit d’autres. Au cours de l’investigation du monde, d’autres divisions se présentent à la pensée. On peut vouloir substituer les divisions trouvées aux divisions données, mais on n’y parvient jamais complètement, et celles qui sont trouvées ne sont jamais sans rapport avec celles qui sont données. Toute recherche d’un équilibre implique un domaine par rapport auquel cet équilibre a un sens ; réciproquement, un domaine n’est défini que par une structure ; il y a là une espèce de cercle vicieux qui fait de l’investigation scientifique quelque chose d’analogue à la création artistique.

La limite implique en contrepartie une tendance à franchir toute limite, sans quoi tout s’arrêterait et les limites ne seraient limites de rien. La continuité du changement implique que les choses tendent sans cesse à dépasser leurs limites[1], et c’est

  1. « La nature est composée d’illimité et de limites » (Philolaos). Note de S. W.)