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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/268

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APOLOGIE DE SOCRATE[1].


I


Pourquoi Socrate ne voulait pas faire son apologie.


Parmi les faits qui concernent Socrate, il en est un qui me parut digne d’être transmis à la mémoire : c’est, lorsqu’il eut été mis en jugement, sa détermination au sujet de son apologie et de sa mort. D’autres, il est vrai[2], ont écrit sur ce fait, et tous ont bien rendu la noble fierté de son langage[3], ce qui prouve qu’en cette circonstance Socrate parla bien ainsi. Mais comment dès lors Socrate était convaincu que pour lui la mort était préférable, c’est ce qu’ils n’ont point fait voir clairement ; de sorte qu’il y a quelque déraison dans la hauteur de ses paroles.

Hermogène cependant, fils d’Hipponicus et ami de Socrate[4], a donné sur celui-ci des détails qui montrent que la hauteur de ses discours s’accordait parfaitement avec celle de ses idées. En effet, il racontait que, le voyant discourir sur toutes sortes de sujets entièrement étrangers à son procès, il lui avait dit : « Ne devrais-tu pas pourtant, Socrate, songer à ton apologie ? » que Socrate lui avait d’abord répondu : « Ne te semble-t-il pas que je m’en suis occupé toute ma vie ? » À quoi Hermogène lui ayant demandé de quelle manière : « En vivant sans commet-

  1. Nous engageons les lecteurs studieux à recourir au livre consciencieux de Fr. Thurot : Apologie de Socrate d’après Platon et Xénophon, Didot, Paris, 1806. Outre le texte et la traduction de ces deux apologies, on trouvera dans cet ouvrage le Criton et le Phédon, qui en sont d’indispensables commentaires. On fera bien aussi de lire l'Apologie de Socrate de Libanius ; c’est une œuvre de rhéteur, mais il perce parfois à travers l’agencement des périodes une émotion vraie et sincère. — Voy. Libanii opera, édition de Claude Morel, Paris, 1606, p. 635.
  2. Notamment Platon.
  3. « Socrate, dit Cicéron, ne parut pas devant ses juges comme un suppliant et un coupable, mais comme un maître et un souverain. »
  4. Sur Hermogène, voy. Mém., II, x, et IV, viii.