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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/252

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LE BOUTE-CHARGE

— Ravel, sauve la forge !

Parbleu ! je le savais bien qu’il fallait sauver la forge. Qu’est-ce que le régiment aurait fait sans la forge ! Les fers ne tenaient plus à la corne fatiguée des sabots. Et tous les jours, c’étaient des pelotons entiers qu’il fallait remettre en état de marcher. En un clin d’œil, mes quatre chevaux furent attelés, les deux conducteurs en selle, et nous nous enlevâmes au galop, tandis que derrière moi, j’entendais deux grands flandrins qui criaient : « Hourrah ! » à s’époumoner. À ce moment, un maudit boulet prenant l’attelage en biais, éventra mes deux chevaux de tête, et le conducteur alla rouler à dix pas, les jambes brisées.

Je me sentis blêmir de fureur. Mais je ne dis rien, et sautai à terre. Les deux grands flandrins de hussards étaient sur nous ; ils ne s’arrêtèrent même pas et continuèrent leur course, les yeux fixes sur l’arrière-garde de notre colonne qui disparaissait. Mais l’un d’eux, tout en trottant ferme, déchargea sur nous son revolver. Je pensais qu’il n’avait touché personne,