Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/212

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La petite ville du Midi que j’habitais fut, je crois, traversée par presque tous les soldats qui allèrent en Orient. Un journal de la localité annonçait à l’avance les régiments qui devaient passer. Les départs avaient lieu vers cinq heures du matin. Dès quatre heures, nous étions sur le Cours ; pas un externe du collège ne manquait au rendez-vous.

Ah ! les beaux hommes ! et les cuirassiers, et les lanciers, et les dragons, et les hussards ! Nous avions un faible pour les cuirassiers. Quand le soleil se levait et que ses rayons obliques flambaient dans les cuirasses, nous reculions, aveuglés, ravis, comme si une armée d’astres à cheval eut passé devant nous.

Puis les clairons sonnaient. Et l’on partait.

Nous partions avec les soldats. Nous les suivions sur les grandes routes blanches. La musique jouait alors, remerciait la ville de son hospitalité. Et, dans l’air clair, dans la matinée limpide, c’était une fête.

Je me rappelle avoir fait des lieues de la sorte. Nous marchions au pas, nos livres attachés sur le dos par une courroie, comme une giberne. Nous ne devions jamais accompagner les soldats plus loin que la Poudrière ; puis, nous allions jusqu’au