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L’ESCOUADE PHOTOGRAPHIÉ AU PÔLE SUD (page 86).

laissées dans cette cache, soit quatre jours de vivres. Nous avons maintenant des provisions pour sept jours, à compter de ce soir, et d’ici au dépôt du Demi-Degré, établi le 10 janvier, la distance est de 88 kilomètres. La voile du traîneau nous aide beaucoup.

Dimanche, 21 janvier. — Température variant de −27°,7 à −23°,8. Réveillés par un violent blizzard. L’air est rempli de tourbillons de neige soulevés par le vent ; soleil très terne. Craignant de perdre la trace par un pareil temps, nous décidons de rester sous la tente. Nous nous attendions à une panne d’une journée au moins, lorsque, pendant le déjeuner, soudain le vent a molli. Nous faisons aussitôt nos préparatifs, mais le matériel est tellement couvert de glace que le départ n’a lieu qu’à 3 h. 45.

Je m’attends à ce que les prochains 150 kilomètres soient joliment durs à enlever. Si dans cette région, à la descente, le halage a été terrible, à plus forte raison il le sera à la montée. Encore 72 kilomètres d’ici au prochain dépôt, et six jours de vivres dans les caissons. Cette cache nous fournira des rations pour sept jours. Il nous faudra ensuite couvrir 144 kilomètres pour atteindre le dépôt des Trois-Degrés. Une fois là, nous serons hors d’affaire.

Lundi, 22 janvier. — Température : −29°,4. L’étape la plus éreintante du voyage ; toute la journée halage pénible, malgré la légèreté du traîneau. Partis à 8 heures précises, nous avons marché neuf heures. Résultat : 28 kilom. 8 ; mais, bon Dieu ! quel coup de collier ! Nos chaussures de ski commencent à s’user ; je crois cependant que patins et brodequins tiendront jusqu’au bout, quoique les uns et les autres aient encore nombre de kilomètres à fournir.

Mardi, 23 janvier. — Minimum, la nuit dernière : 34,4° sous zéro. Au départ, faible brise et allure lente. Le vent ayant forcé ensuite, nous couvrons 14 kilomètres jusqu’à la grande halte ; à ce moment, il souffle presque en blizzard. Nos anciennes traces sont demeurées si nettes que nous les suivons sans difficulté. Grâce à cela nous avançons à une vive allure : nous aurions fait une longue étape, si le nez d’Evans n’avait été gravement mordu par la gelée. Il est déjà blanc et dur lorsque Wilson s’aperçoit de l’accident. Dans ces conditions, nous campons à 6 h. 15. Evans est très affaibli. Ses doigts sont sérieusement atteints et son nez congestionné est couvert de « morsures ». Il se montre très inquiet de son état, ce qui est un mauvais signe. Wilson, Bowers et moi, sommes en aussi bonne forme que possible, eu égard aux circonstances. Oates se plaint toujours d’avoir les pieds froids.

Mercredi, 24 janvier. — La situation s’aggrave. Déjà très frais au départ, le vent devient plus tard un véritable blizzard ; par suite, force nous est de camper. Nous ne sommes plus qu’à 11 kilom. 2 du dépôt ;