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LES CATARACTES DE GLACES.

Mardi, 6 mars. — Le début de la journée a été atroce. La nuit avait été chaude et, pour la première fois depuis le début de l’expédition, j’ai dormi plus d’une heure de trop ; ensuite nous avons été très longs à nous chausser. Après cela, tirant de toutes nos forces (c’est une question de vie), nous avons eu grand peine à couvrir plus de 1 850 mètres à l’heure. Le ciel s’est alors couvert et trois fois il a fallu s’arrêter pour rechercher les anciennes traces. Résultat : un peu moins de 6 kilom. et demi dans la matinée.

Actuellement le soleil brille dans un ciel calme. Le pauvre Oates, hors d’état de haler, s’asseoit sur le traîneau pendant que nous cherchons la route. Son courage est admirable. Ses pieds doivent le faire beaucoup souffrir ; néanmoins, pas une plainte ne lui échappe.

Ce matin, quoique le vent soit assez vif, le traîneau est lourd comme du plomb. Si tous nous étions bien portants, je garderais l’espoir d’en sortir, mais, quoique, en dépit de ses souffrances, il fasse tout ce qu’il peut, le pauvre Oates nous retarde singulièrement.

Mercredi, 7 mars. — Situation encore un peu plus grave : un des pieds de Oates est en très mauvais état ; extraordinaire est son courage. Nous parlons encore de ce que nous ferons une fois de retour au pays.

30 kilomètres nous séparent encore du dépôt. Si les approvisionnements qu’il doit renfermer sont intacts, et si la surface de la Barrière ne change pas, nous atteindrons la cache suivante, mais nous ne pourrons arriver jusqu’à l’One Ton Camp. Contre toute espérance, nous espérons que les attelages de chiens nous attendent au mont Hooper ; donc nous devons faire tous nos efforts pour avancer. Si les bidons de pétrole du prochain dépôt ne sont pas pleins, nous pourrons très difficilement nous tirer d’affaire.

Le dénouement est proche pour le pauvre Oates, et aucun de nous ne sent ses forces augmenter. Malgré l’effort excessif que nous produisons nous sommes encore étonnamment solides. Seule notre abondante alimentation nous soutient.

Jeudi, 8 mars. — Oates ne peut guère s’appuyer sur son pied gauche ; nous chausser est une opération très longue. Je dois rester près d’une heure avec mes mocassins de nuit avant de commencer à changer. Les pieds de Wilson donnent du souci : il se dépense tant pour les autres !

Ce matin, couvert 7 kilom. 5. Plus qu’à 15 kilom. 5 du dépôt, une faible distance, mais sur ce terrain nous ne pouvons effectuer que des étapes moitié plus courtes que celles d’autrefois et, pour ce maigre résultat, nous devons déployer une énergie double. Que trouverons-nous au dépôt ? Si les attelages de chiens y sont venus, il sera possible de couvrir encore une bonne distance, mais si les chiens sont absents et la provision de combustible incomplète, Dieu seul pourra nous sauver.