Page:Le Tour du monde - 14.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On soupe, on fume, on reboit ; puis l’on déroule les couvertures et l’on choisit la place de son lit pour la nuit. Les uns se couchent sur le comptoir, les autres sur des sacs à farine empilés dans un coin de la chambre, d’autres encore s’étendent sur le plancher en allongeant leurs jambes du côté du feu. Enfin il y en a qui jouent ; et le jeu, accompagné de jurons et de rasades, se prolonge jusqu’à la fin de la nuit.

En descendant du plateau, nous arrivâmes à la maison du centième mille, près de Bridge Creek.

À Soda Creek, nous montâmes sur le bateau à vapeur pour Quesnelle, d’où nous partîmes à pied pour William’s Creek.

Le soir de notre troisième jour de marche, nous arrivâmes à Richfield, à soixante-cinq milles du confluent de la Quesnelle, et nous poursuivîmes notre route par Barkerville jusqu’à Cameron Town, plus bas sur le même cours d’eau. Nous étions enfin dans le Caribou.

Le Caribou est le district le plus riche de la région aurifère dans la Colombie Britannique, et c’est là que se sont surtout fait sentir les révolutions géologiques. Le paysage offre le spectacle d’une mer de montagnes et de collines recouvertes de sapins. Les premières vont jusqu’à sept ou huit mille pieds, entourées par un confus amas des autres. Partout le sol a été agité, au point qu’excepté le fond des étroits ravins cavés entre les collines, on y trouve à peine un pied de terrain uni. Les diverses couches y sont redressées de champ, et les lits des cours d’eau sont portés sur les cimes des hauteurs. Autour de ce centre des richesses rejetées des entrailles de la terre, la branche principale du Fraser s’enroule en un cours semi-circulaire ; elle reçoit de ses nombreux tributaires l’or que contiennent ses sables.

Cameron claim. — D’après MM. Milton et Cheadle.

Dans les mines que nous visitâmes à Cameron Town, la boue payante (pay-dirt), comme on appelle la couche d’argile et de gravier qui repose sur le lit rocheux et qui contient l’or, était à trente ou cinquante pieds au-dessous de la surface du sol. On creuse un puits à la profondeur nécessaire et la boue est montée dans un seau qu’enlève un treuil. On la verse ensuite dans une longue boîte, appelée la boîte à surprise ou le long tom ; cette boîte a un faux fond, composé de barres parallèles laissant entre elles d’étroits espaces ; il est élevé de quelques pouces au-dessus du vrai fond, qui a plusieurs traverses de bois. Un courant d’eau amené quelquefois de très-loin, par une série d’auges, nommées flumes, tombe dans la boîte à surprise d’un côté et s’en échappe de l’autre par un second système d’auges. À mesure que la boue est versée, un homme, armé d’une grande fourche à plusieurs dents, l’agite sans s’arrêter, et en retire les plus grosses pierres. Le sable fin et la terre sont emportés par le courant ; mais l’or, qui est plus pesant, tombe au travers des vides laissés entre les barres parallèles du faux fond et est arrêté, dans le vrai fond, par les barres transversales qu’on appelle riffle. La boue payante n’a ordinairement pas plus de trois ou cinq pieds d’épaisseur. Conséquemment les galeries des