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trouver que tout est pour le mieux dans les meilleures des mines possibles. Nous savons plus que personne, ayant dirigé nous-même des mineurs, tout ce qu’il y a d’abnégation, de dévouement dans cette noble classe d’ouvriers. Nous savons que le mineur fait son devoir bravement, témérairement même, sans se plaindre, sans l’espoir d’aucun avancement, d’aucune récompense ; nous savons que les compagnies, en embauchant le soldat de l’abîme, ne lui font pas espérer qu’il tient au bout de son pic son brevet d’ingénieur, comme le fantassin porte le bâton de maréchal dans sa giberne, ou le matelot son bâton d’amiral ; mais l’amour de la vérité nous force à dire que si ce pionnier modeste, héros obscur, peut-être plus méritant encore que celui qui défend la patrie, fait si glorieusement son devoir, les compagnies font aussi le leur. Aucune d’elles n’a failli à sa mission, non-seulement dans la Saône-et-Loire, mais dans toutes les autres mines françaises. On a vu de quels soins vigilants, paternels, les compagnies houillères entourent tous leurs ouvriers. Voilà ce que nous ne devons pas méconnaître, nous qui ne sommes ni avec les ouvriers contre les compagnies, ni avec les compagnies contre les ouvriers, et voilà ce que nous avons été heureux de proclamer, faisant à chacun la part qui lui convient.


III

LE BASSIN HOUILLER DE SAÔNE-ET-LOIRE.


Divisions du bassin et production totale. — Phénomènes géologiques. — Évolutions de la vie. — Cataclysmes qui ont accompagné la formation carbonifère. — Créations dues à la houille. — L’armée des mineurs. — Les soldats et les chefs. — Rôle de l’industrie dans la société moderne.

Il faut maintenant revenir sur tout ce qui a été dit, et résumer, dans un coup d’œil d’ensemble, les différents spectacles auxquels nous avons successivement assisté. Après l’analyse, la synthèse.


Ouvrier des houillères de Saône-et-Loire (piqueur). — Dessin de A. de Neuville d’après F. Bonhommé.

Un bassin houiller a donné naissance aux diverses industries que nous avons fait tour à tour passer sous les yeux du lecteur : extractions souterraines, fabrication du verre, de l’huile minérale, de la fonte, du fer, des machines, cuisson de la chaux, du ciment, de l’argile, etc. Ce bassin, dont l’exploitation concourt ainsi à la prospérité de quelques-uns de nos départements du centre, est entièrement compris dans le département de Saône-et-Loire, et en a reçu le nom. Il se compose de trois îlots distincts à la surface, réunis peut-être en profondeur. Ces trois îlots sont, celui de l’Autunois, le plus vaste, mais non le plus productif ; celui du Creusot, le plus restreint et proportionnellement le plus fertile ; celui enfin qui longe le canal du Centre, et sur lequel sont distribuées du nord au sud, les mines de Saint-Berain, Longpendu, Montchanin, Blanzy et le Montceau, ces deux dernières les plus fécondes de tout le bassin.

La production totale du bassin de Saône-et-Loire peut être évaluée à un million de tonnes par an, soit un milliard de kilogrammes. C’est actuellement le douzième de la production totale de la France. Sur ce chiffre d’un million de tonnes, Blanzy et le Montceau concourent presque pour la moitié, soit 450 000 tonnes, le Creusot pour 220 000, Épinac et le bassin d’Autun pour 170 000, Montchanin pour 110 000 et Saint-Berain pour 50 000 environ.

Le terrain houiller est essentiellement formé de roches grenues, grisâtres, les grès, et de roches noires, lustrées, feuilletées, les schistes. C’est entre les couches de grès et de schistes qui se prolongent régulièrement sous le sol à de grandes distances, et se succèdent les unes aux autres comme les feuillets d’un livre, qu’est interposée la houille. L’accumulation et la décomposition lente des plantes qui, à l’époque carbonifère, végétaient en ces régions, ont seules contribué à la formation du combustible. Le phénomène s’est passé il y a des milliers de siècles ; les géologues les supputeraient au besoin.

Au bord dune vaste mer, qui s’étendait entre les montagnes porphyriques du Morvan et les cimes granitiques du Charollais déjà toutes deux soulevées, croissaient alors, en taillis touffus et en hautes futaies, les calamites, les sigillaires, les lépidodendrons, les annulaires, les fougères arborescentes, végétaux dont l’abaissement de température du globe a depuis longtemps amené l’entière disparition, ou qui, réduits à de plus humbles formes, ont été presque tous reportés vers les contrées tropicales. Au milieu de ces espèces végétales on voyait aussi quelques conifères, comme les walchias, ancêtres des pins et des sapins. Les cycadées, à leur tour, faisaient présager les palmiers. Au pied de tous ces arbres, des plantes aquatiques formaient