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la Mayenne, la Vendée, les houillères ont donné le charbon propre à la cuisson de la chaux, qui a servi d’amendement aux terres et les a régénérées. Dans les houillères de Saône-et-Loire, nous constatons les mêmes faits. « Avant le développement des mines, nous dit M. A. Burat[1], l’agriculture y manquait à la fois d’argent pour améliorer un sol généralement médiocre, et de débouchés pour ses produits ; la culture du seigle et des pommes de terre était presque la seule. Aujourd’hui les sommes versées dans le pays par l’exploitation houillère ont fourni les moyens d’amélioration du sol ; l’augmentation progressive de la population a ouvert les débouchés. Les terres, sous l’influence du travail ainsi secondé, ont plus que triplé de valeur ; le chaulage, facilité par le bas prix des houilles menues, a transformé le sol à tel point, que la culture du froment est devenue presque générale. Cet historique est celui de toutes les contrées où l’industrie des houillères s’est développée depuis trente ans. »

Ce ne sont pas là les seuls avantages procurés à l’agriculteur par l’exploitation de la houille ; on sait que la culture de la vigne est une des principales de notre pays. Or, au Creusot, une population vigoureuse, bien rétribuée pour le dur travail qu’elle exerce, consomme plus de trente mille hectolitres de vin par an. Dans plusieurs de nos grands centres industriels, Commentry par exemple, on relève des chiffres analogues. Et là ne se bornent pas encore les services que la houille semble destinée à rendre à la terre. L’agriculture ne peut plus progresser aujourd’hui que par l’emploi des machines, c’est-à-dire par le combustible. Ces machines sont avant tout les locomobiles pour le battage et le nettoyage des grains, et les machines à faucher et à labourer, que les Anglais et les Américains, grands producteurs de charbon, ont imaginées et employées avant nous.


Empreinte de fougère fossile sur un schiste houiller des mines du Montceau (Nevropteris speciosa, Ad. Brongniart, mns., névroptère gracieuse). Dessin de Faguet d’après nature et au tiers de la vraie grandeur.

Faut-il citer un des derniers exemples de la puissance créatrice de la houille, en nommant Saint-Étienne, qui ne renfermait pas plus de vingt mille habitants au commencement de ce siècle, qui en renferme aujourd’hui cent mille, et qui a justement ravi à Montbrison le titre de chef-lieu du département de la Loire ? On peut nommer aussi l’arrondissement de Valenciennes dont la population a doublé, grâce à la houille, en moins de quatre-vingts ans, et atteint aujourd’hui quatre-vingt mille âmes. Pour arriver à un tel résultat, la loi normale d’accroissement de population eût exigé en France près d’un siècle et demi.

Mais quel exemple plus curieux peut-on citer pour démontrer le pouvoir fécondant de la houille, que celui du Creusot, dont les chiffres de population et de fabrication doublent tous les dix ans ? N’est-ce pas là la preuve la plus palpable, la démonstration la plus mathématique de l’influence des exploitations houillères sur la richesse et le développement des populations ?

Résumons-nous. Aussi bien ce n’est pas ici le lieu de traiter in extenso toutes ces questions ; nous n’avons voulu que rendre honneur au travail industriel, contre lequel existent encore trop de préventions mal fondées. En

  1. Situation de l’industrie houillère en 1859. — Paris, Lacroix et Baudry, 1860.