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phrase ; alors il étend les bras, les ramène sur la foule, et prononce les derniers mots. Le canon tonne au fort Saint-Ange et les musiques militaires rassemblées sur la place font entendre des fanfares ; j’ai oublié de noter que les troupes, massées, remplissaient une partie de l’espace compris entre l’escalier de Saint-Pierre et l’obélisque.

Le pape, comme toujours quand il lit, avait à côté de lui un clerc tenant un cierge allumé. Les mains du Saint-Père sont libres et il ne porte pas de crosse ; cet ornement si élégant est rejeté du cérémonial pontifical par une ancienne tradition. On rapporte que saint Pierre envoya des missionnaires pour prêcher les Saxons du Nord ; il chargea de ce soin saint Materne et deux de ses compagnons qui se mirent en route ; dans le voyage, saint Materne mourut ; ses compagnons, ne sachant que faire sans leur chef, laissèrent son corps à Tréves où ils se trouvaient, et revinrent à Rome exposer leur malheur à saint Pierre. Celui-ci leur remit son bâton en leur disant d’en toucher Materne et que Materne prêcherait. Les deux religieux revinrent à Trèves ; l’attouchement du bâton pastoral rendit Materne à la vie ; après la prédication dans le Nord il devint évêque de Trèves. En souvenir de ce que Saint Pierre s’était privé de son bâton pastoral pour sauver Materne, les papes ne prennent la crosse que lorsque par hasard ils se trouvent à Trèves ou dans son évêché. Je ne sais, au reste, si l’absence de crosse dans la main du pape est aussi absolue qu’on le dit ; certaines gravures du siècle dernier représentent le pape ayant la crosse en main quand il entre dans Saint-Pierre, après l’ouverture de la porte des Jubilés.


Un massier. — Dessin de A. de Neuville.

Voici à propos de la bénédiction papale, le texte de cette bénédiction que l’on croit souvent donnée urbi et orbi et où ces mots ne figurent nullement :

« Sancti apostoli Petrus et Paulus, de quorum potestate et auctoritate confidimus, ipsi intercedant pro nobis ad Dominum. R. Amen. Precibus et meritis beatæ Maria semper Virginis, beati Michaelis archangeli, beati Joannis Baptistæ, et sanctorum apostolorum Petri et Pauli et omnium sanctorum, misereatur vestri omnipotens Deus, et dimissis omnibus peccatis vestris, perducat vos Jesus Christus ad vitam æternam. R. Amen. Indulgentiam, absolutionem omnium peccatorum vestrorum, spatium veræ et fructuosæ penitentiæ, cor semper pœnitens, et emendationem vitæ, gratiam et consolationem sancti spiritus, et finalem perseverantiam in bonis operibus tribuat vobis omnipotens et misericors dominus. R. Amen. Et benedictio Dei omnipotentis Patris et Filii et Spiritûs Sancti descendat super vos et maneat semper. R. Amen. »

Après cette bénédiction et quand le pape s’est retiré, deux cardinaux lisent en latin et en italien la formule d’indulgence plénière accordée aux fidèles présents, et ils jettent, chacun sur la place, la feuille qu’ils tiennent à la main. Selon le plus ou moins de force que le vent possède, les formules arrivent plus ou moins rapidement à portée de la foule qui en suit la direction avec soin ; les mains se tendent, et deux heureux s’emparent des précieuses feuilles. La plupart du temps les personnes qui les reçoivent sont des Romains qui se sont postés en conséquence, et qui savent fort bien les revendre à gros prix aux catholiques qui veulent emporter ce souvenir de la bénédiction papale.

4o La Cène et le Lavement des pieds se passent à une demi-heure d’intervalle, mais la distance à parcourir est grande, et la foule fait qu’il est impossible de se transporter assez vite d’un point à l’autre. Àmoins de faire partie à un titre quelconque du cortége pontifical, je ne crois pas qu’un voyageur puisse voir à la fois la Cène et le Lavement des pieds. Je gagnai Saint-Pierre à la hâte ; il m’eût été impossible de pénétrer dans la galerie de la Cène ; tout y était plein à ce point qu’oublieux du lieu où il se trouvait, le public s’est battu avec les Suisses et que les dames ont poussé des cris de terreur.

Le Lavement des pieds se faisait anciennement dans la salle ducale ; à présent il a lieu dans le transept droit de Saint-Pierre ; la Cène, tapisserie faite d’après la fresque de Léonard de Vinci, décore le fond de la cha-