Page:Le Tour du monde - 15.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

angles. Près de Ripetia, une loge splendidement éclairée était réservée aux sénateurs. Je gagnai le jardin de la gendarmerie pontificale, situé tout en face du Pincio, et j’assistai, fort bien placé, à un feu d’artifice charmant ; l’éclat des teintes, dû en partie à l’influence de l’atmosphère romaine, était applaudi parfois à tout rompre. Les groupes des statues du Pincio étaient d’un effet fantastique, éclairés qu’ils étaient, tantôt d’une couleur, tantôt d’une autre.

À la fin du feu, des courantins s’allument autour de l’Obélisque, et vont, en effleurant les têtes, et aux grands éclats de rire de tous, allumer des flammes de Bengale tout autour de la place ; trois fois cette plaisanterie pyrotechnique eut le même succès ; trois fois la couleur des lumières changea ; il en est toujours ainsi, et ce spectacle a toujours le pouvoir de plaire à la population. C’est, au reste, le signal de la retraite ; les flammes éclairent la route, et chacun se retire, si ce n’est en silence, du moins sans le moindre désordre.


Carrosse de gala. — Dessin de Émile Bayard d’après M. B. Ulmann.

Jadis, le feu d’artifice avait lieu au fort Saint-Ange ; un immense bouquet s’échappait du Donjon comme d’un pot à feu colossal ; les murailles étaient illuminées, et l’ensemble se nommait la Girandole ; Michel Ange en aurait aussi dessiné le plan. Aujourd’hui, la présence des poudres, déposées par l’artillerie dans le château Saint-Ange, a fait reporter le feu au Pincio ; il est, au reste, impossible de trouver un emplacement plus propice, à cause des rampes superposées qui offrent bien des ressources à l’ornementation.

Mais il se fait tard ; je dois finir. — Bientôt aussi je vais quitter Rome, après avoir joui, quelques jours, du calme que tant de monde y a troublé pendant une semaine. Les cérémonies de la Semaine sainte à Saint-Pierre et à la Sixtine surtout, sont parfois splendides ; mais je ne sais si Rome, grandiose et solitaire, n’a pas plus de charme encore dans sa majestueuse tranquillité. Adieu, mes lettres sont finies, et je souhaite que tu aies eu quelque plaisir à les lire.

Ludovic Celler.